Comment concilier progrès pour l’environnement, compétitivité économique et justice sociale, dans la filière cacao ?
Comment concilier progrès pour l’environnement, compétitivité économique et justice sociale, dans la filière cacao ?
C’est tout l’enjeu de l’étude exploratoire menée par Commerce Equitable France avec le CIRAD pour le compte de l’Agence Française de Développement (AFD), sur une approche innovante : un mécanisme de bonus-malus fiscal à l’exportation du cacao en Côte d’Ivoire. Afin de valoriser les acheteurs engagés et d’encourager d’autres à les imiter, cet outil prévoit un avantage fiscal pour les entreprises adoptant des pratiques commerciales équitables, tout en appliquant une pénalité fiscale à celles qui maintiennent des pratiques conventionnelles.
La filière cacao cumule les défis sociaux, environnementaux et économiques interconnectés entre eux. Comment améliorer la qualité de vie des familles paysannes et préserver la fertilité des parcelles de cacao lorsque les producteurs et productrices vivent en dessous du seuil de pauvreté ? A partir des années 2000, des certifications volontaires comme le commerce équitable se sont développées en Afrique de l’Ouest pour proposer un modèle commercial qui intègre les coûts sociaux et environnementaux de la production. Pour autant, ces meilleures performances socio-environnementales ne suffisent pas à généraliser ces pratiques commerciales équitables.
Face à cette inertie, des normes publiques telles que le RDUE et la norme ARS-1000 émergent du côté des pouvoirs publics européens et ouest-africain pour obliger les acteurs de la filière à se mettre en ordre de marge. Pourtant, en témoigne le report et la dynamique simplification du RDUE depuis fin 2024, l’adoption de ces solutions obligatoires ne résout pas les difficultés de conformité lorsque la majorité des pratiques – d’achat ou de production – sont trop éloignées des pratiques exigées. Qui pourra prendre en charge le coût élevé de transition vers la conformité ? Les quelques chocolatiers qui engrangent la majorité des marges de la chaîne de valeur pourraient prendre ces coûts en charge mais la situation d’ultra-concurrence qui les régit freine les investissements et favorise les positions attentistes. Même pour se conformer à des normes obligatoires, le risque de perdre en compétitivité face aux concurrents est trop important pour réaliser ces investissements pourtant nécessaires.
Il y a donc un réel besoin de politiques qui préservent la compétitivité prix des entreprises engagées dans des démarches volontaires à impact pour assurer un nivellement vers le haut des pratiques d’achat et de production.
Cet outil propose une fiscalité différenciée à l’exportation du cacao pour soutenir activement les entreprises qui s’engagent dans des pratiques d’approvisionnement durables et équitables, inciter progressivement les autres à suivre ce chemin et sans diminuer les perspectives de recettes fiscales des gouvernements.
Concrètement, les entreprises qui versent des primes de conformité aux coopératives qui les fournissent pourraient bénéficier de réductions de taxes à l’exportation, ce qui leur permettrait de préserver leur compétitivité prix. De l’autre côté, les opérateurs qui ne s’engagent pas dans cette transition seraient soumis à une fiscalité plus élevée et progressive.
Ce mécanisme a été exploré avec le concours de nombreuses parties prenantes : le Conseil Café-Cacao, l’Organisation Internationale du Cacao, la Commission européenne, des entreprises exportatrices, le Ministère des Eaux et Forêts de Côte d’Ivoire, et bien sûr, les acteur·rices du commerce équitable, comme le RICE (réseau ivoirien du commerce équitable).
La transition sera d’autant plus fluide qu‘elle est économiquement accessible pour les producteur·rices, et qu’elle n’handicape ni les entreprises, ni les États qui s’engagent. Ce bonus-malus fiscal pourrait devenir un outil stratégique pour accélérer la transformation de la filière cacao et d’autres filières agricoles, tout en garantissant une plus grande justice sociale et économique.
🔎 Pour en savoir plus et revivre la restitution publique de cette étude, qui a rassemblé plus de 400 personnes en novembre dernier, c’est par ici :
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